Que faire après les inondations ?

Que faire après les inondations ?

Tilff, 15 juillet 2020
Tilff, 15 juillet 2020

Les 14,15 et 16 juillet 2021 resteront gravés dans notre mémoire collective. Jamais, on n'avait vu un pareil désastre. 40 morts, des milliers de sinistrés, des maisons insalubres, à démolir, des campings complètement détruits, des vies brisées, un deuil long et douloureux à faire, des assurances qui tardent à vous indemniser, des entrepreneurs débordés, etc.

C'est le moment de s'interroger sur ce qu'il faut faire pour reconstruire, quels matériaux employer, quel système de chauffage choisir, quelle isolation, etc. ?

Je met modestement mes 50 années de carrière d'ingénieur architecte à votre disposition pour vous prodiguer quelques conseils et vous aider à faire des choix.

.Jean GLAUDE, 31/12/2021

Exposé

Beaucoup de mes amis et connaissances font partie des sinistrés de ces inondations qui seront probablement récurrentes à cause du réchauffement climatique.

Il est totalement anormal que, sur 2 jours de pluie, il soit tombé l'équivalent de deux à trois mois d'intempéries !

Que faire donc pour reconstruire, pour repartir de zéro dans tous ces rez-de-chaussée, ces caves et même aux étages parfois sans devoir tout recommencer dans dix ans ?

Commentaires

Grâce à mon expérience de presque 50 ans de chantier, j'espère pouvoir vous partager mes compétences, des conseils ou des remarques pertinentes pour vous guider dans des choix qui seront parfois difficiles.

Mais en fin de compte, vous serez récompensés par une maison qui sera mieux chauffée, mieux isolée, bien ventilée avec une bonne résistance aux conséquences parfois dramatiques des inondations. 


Constat et remèdes

 Si on analyse les conséquences matérielles des inondations et les remèdes à privilégier, je retiendrait dans l'ordre :

  1. Il y a d'abord l'humidité dans le bâtiment qu'il faut évacuer le plus vite possible au risque de provoquer des condensations favorisant l'apparition de moisissures et de champignons.. Louez ou empruntez des déshumidificateurs si vous en trouvez encore, pas avec réservoir mais avec un raccordement à une décharge ou une sortie vers le trottoir via les caves et un soupirail. Dans ce cas, il pourra marcher en permanence et vous n'aurez plus de réservoir à vider quotidiennement. Si c'est possible, ouvrez tous vos châssis en position tombantes, même en hiver où l'air extérieur est bien plus sec que l'air intérieur contrairement à ce que beaucoup croient. Si votre chauffage fonctionne, mettez-le en route , surchauffez et ventilez. Au lieu de trois mois de déshumidificateur, vous verrez un fameux changement en trois semaines.
  2. Les odeurs de mazout consécutives au renversement des citernes : toute la vallée sentait le mazout le 16 juillet et ce mazout a imprégné vos revêtements de sol, y compris les chapes sous carrelages ainsi que les enduits sur les murs et la maçonnerie derrière. Des carrelages qu'on croyait intacts ont du être démolis à cause de l'odeur de mazout. Même en décapant les plafonnages, la maçonnerie sous-jacente sent encore le mazout.
    1. Concernant les enduits sur murs, démolir ces maçonneries sur quelques cm de profondeur risque de créer des problèmes de stabilité alors qu'il s'agit en général de murs porteurs.
      1. Il y a des membranes à plafonner, style PLATON ou DORKEN ou KNAUF qui sont fixées mécaniquement et ont un effet d'isolement contre l'humidité en laissant une lame d'air ventilée derrière, mais l'odeur ne risque-t-elle pas de passer au périmètre via cette lame d'air ? Il existe des alternatives comme bien brosser les murs décapés, refaire des joints si nécessaire et enduire le mur d'une résine époxy qui va bloquer les odeurs de mazout dans le mur, puis replafonner dessus ou faire un lambris (voir plus loin) sous réserve de consulter un spécialiste. Attention à sa toxicité et à une application peu aisée.
      2. Si ce sont des plaques de plâtre sur les murs, enlevez-les.
      3. Si ce sont des cloisons revêtues de plaques de plâtre, il est plus simple de tout remplacer, ainsi que les cloisons en blocs de plâtre imbibées de mazout et d'eau. Le plâtre, sous l'effet de l'eau, se transforme en gypse et devient pulvérulent.
    2. Concernant les carrelages et toutes les chapes en général avec des revêtements vinyliques ou des parquets, il faut bien réfléchir. En effet, c'est peut être l'unique occasion de mettre un chauffage par le sol à basse température, l'idéal pour fonctionner avec une pompe à chaleur. Il existe des nattes isolantes de 52 mm seulement d'épaisseur, chape comprise,  dans lesquelles les tuyaux sont placés + une membrane de désolidarisation collée + un carrelage collé, nettement préférable à un parquet, du vinyle ou du linoléum. Bref, si vous avez, ne fut-ce que 7 cm de libre sur des poutrelles métalliques qui sont monnaie courante dans les immeubles anciens, cela suffira pour faire votre chauffage par le sol. Mais l'isolation ayant une faible épaisseur, vous devrez ajouter un complément à mettre sous les hourdis dans vos vides ventilés ou dans vos caves. Il y a aussi des panneaux qui ne font que 25 mm d'épaisseur, chauffage compris, sur lesquels il suffit de coller le carrelage. Mettez une chape d'égalisation en dessous pour rattraper le niveau final, carrelage compris. Je vous conseille d'utiliser la natte de désolidarisation entre chauffage sol et carrelage collé pour permettre la dilatation en observant les règles de l'art avec un joint périphérique et un joint transversal tous les 4 m maximum. N'utilisez pas des carreaux au delà de 40 x 40 cm au risque de fissurer des carreaux plus grands.
    3. Concernant les planchers, ils sont gondolés et irrécupérables en règle générale. Alors, quatre cas peuvent se présenter :
      1. Des planchers en bois massif sur lambourdes (ou des chevrons) posés sur des hourdis, des chapes ou des dalles de béton : vous avez en dessous une grande épaisseur de l'ordre de 8 à 10 cm pour poser un chauffage sol comme décrit ci-avant pour arriver à un carrelage, la meilleure solution en cas d'inondation.
      2. Des planchers en bois massif sur un gitage ou des poutres en bois : ventilez bien en dessous en enlevant le plafond éventuel et voyez après 6 mois si vos planches sont redevenues normales sans déformation.
      3. Des planchers en panneaux sur un gitage ou des poutres en bois : le bois et l'humidité ne faisant pas bon ménage, c'est peut être l'occasion de mettre des hourdis en Tés et voussures (pour rénovation) qui sont légers à porter à dos d'homme et faciles à mettre en place tous les 60 cm. Attention, dans des murs en moellons, faites-le tous les 120 cm d'abord, poser les tés et resserrer les au mortier avant de vous attaquer aux tés intermédiaires, sinon vous risquer de faire écrouler les murs en moellons et toute la maison avec !
      4. Si vous préférez garder les gitages mais pas le parquet, réfléchissez aux plaques qui supporterons des carrelages en interposant une natte de désolidarisation et en chaînant convenablement vos poutres pour bien solidariser l'ensemble, sinon des carrelages vont se fissurer.
  3. Dans les caves souvent inondées jusqu'au plafond, avec la chaudière inondée, la citerne renversée, des électro-ménagers endommagés, des congélateurs et frigo renversés ou ayant flottés, le matériel doit être remplacé de manière générale, quoique j'aie des doutes pour des frigos, des machines à lessiver ou des séchoirs : en principe, si la partie électrique et le moteur sont bien secs, ça devrait redémarrer. Si les assurances ne discutent pas pour les remplacer, tant mieux, mais si elles refusent, mettez une réserve à ce sujet sur le PV amiable. Le gros problème des caves est qu'elles vont rester humides longtemps : un gros déshumidificateurs s'impose et la (ré)ouverture de tous les soupiraux. Si vous refaites trop vite des peintures acryliques sur les murs, vous allez bloquer l'humidité à l'intérieur qui n'aura d'autre choix que de migrer par capillarité vers le rez-de-chaussée ! Vous reportez donc le problème au dessus. Si vous décapez les murs, repeignez-les avec de la chaux qui est, à la fois, un désinfectant naturel (on chaulait les étables, il y 50 ans !) et qui est très respirante : vos murs continueront ainsi de sécher.
  4. Quels enduits faut-il mettre à la place des anciens plafonnages ?
    1. Le plâtre se dissout dans l'eau et n'est donc pas idéal là où des inondations sont fréquentes. Par contre, un cimentage résistera parfaitement et il suffira de le (re)peindre, mais c'est plus rugueux et moins lisse qu'un plafonnage. Pourquoi pas alors faire un crépis peint ?
    2. Préférez les cloisons légères avec une ossature métallique METAL STUD qui ne pourrit pas dans l'eau comme le bois et comme revêtement, choisissez plutôt des plaques de fibre-ciments qui sont étanches. Si vous mettez comme isolation à l'intérieur une laine minérale, elle sera gorgée d'eau et mettra du temps pour sécher sans compter un tassement de cette laine pleine d'eau à la base des cloisons. Mais les laines minérales sont des bons isolants acoustiques; je choisirais donc des panneaux rigides ou semi-rigides plutôt que des rouleaux.
    3. Si l'acoustique n'est pas un problème, on peut aussi mettre des panneaux isolants en polystyrène qui restent totalement étanche dans l'eau (pensez au flotteur en polystyrène qui est dans votre réservoir de WC). On dit aussi "frigolite".
    4. Évitez les panneaux en polyuréthanes qui prennent l'eau !
  5. Et si vous en profitiez pour isoler les murs extérieurs puisque les plafonnages ont du être décapés ? Avant de commencer une isolation par l'intérieur, assurez-vous que les matériaux et les composants de votre mur extérieur sont ingélifs, sinon ils vont geler et se fissurer ou se casser. Ne le faites pas derrière une façade peinte où l'eau emprisonnée risque aussi de geler et de faire sauter la peinture. 
    1. On peut refaire derrière tous les murs extérieurs des contre cloisons en ossature métallique, plaques de fibre-ciment et isolation en PS (polystyrène). C'était la technique de nos ancêtres pour cacher l'humidité (ascensionnelle en général), à savoir un lambris qui peut simplement recouvrir la partie qui a été inondée ou toute la hauteur, lambris en plaques de fibre-ciment peintes, crépies ou revêtues de faïences, ou encore en planches de bois (sensibles à l'eau) avec, évidemment, une isolation derrière. N'oubliez pas de ventiler l'espace enfermé par un joint ouvert sous les plinthes et un joint ouvert au plafond caché par des moulures.
    2. Vous pourriez également songer aux bardages en planches de PVC. Attention, c'est toxique en cas d'incendie, mais c'est pratique dans une cuisine ou une salle de bains.
    3. Évitez tout ce qui est panneau de bois, Unalit ou autre similaire qui sont sensibles à l'eau.
    4. Dans tous les cas, il peut être utile de poser un freine vapeur INTELLO +, par exemple, de PRO CLIMA sur le côté chaud avant de mettre les plaques de finition, surtout dans les locaux humides tels que cuisine, salle de bains ou buanderie. Là, il faut obtenir une étanchéité totale à l'air et il vaut même mieux ajouter devant une seconde contre cloison "technique" dans laquelle passeront les tuyauteries des sanitaires, du chauffage et les câbles électriques afin de ne pas trouer le freine vapeur.
  6. Quel installation de chauffage allez-vous privilégier ?
    1. Vous avez tous un mauvais souvenir de la pollution au mazout qui, non seulement, empeste l'intérieur de votre habitation, mais pollue également toutes les terres de votre jardin et surtout de votre potager. Dans ce dernier cas, il serait peut-être intéressant de mélanger des enzymes à la terre retournée ou bêchées pour qu'ils digèrent rapidement ce mazout. Ailleurs, la nature fera son travail d'élimination naturelle avec des bactéries.
    2. Beaucoup sont donc en train d'opter pour une installation au gaz. Si vous avez un réseau de distribution de gaz dans votre commune, s'y raccorder est intéressant, quoique beaucoup de chauffages au gaz sont restés en panne pendant des mois parce que le réseau lui-même était abîmé ou que toutes vos tuyauteries ont bougé et qu'il faut tout refaire contrôler pour écarter tout danger de fuite.
    3. Le gaz de citerne est aussi une solution, mais c'est une citerne comme le mazout ! Elle peut très bien être emportée par le courant, perdre du gaz, exploser, que sais-je, bien que rien de tel ne se soit produit à ma connaissance.
    4. Mais si vous avez choisi de mettre un chauffage sol en remplaçant vos revêtements, c'est le moment de choisir la solution de l'avenir, une pompe à chaleur qui marche sur le réseau électrique qui a été rétabli assez rapidement, mais également avec l'électricité produite par vos panneaux solaires. Vous pourriez imaginer un chauffage sol sur tout le rez-de-chaussée et des radiateurs surdimensionnés aux étages pour profiter de la chaleur à basse température qui est la production idéale d'une pompe à chaleur. Cette dernière va pomper les calories contenues dans l'air extérieur (ou dans votre jardin) et les chauffer jusque ±45°, la température idéale pour du chauffage sol.
    5. Et il existe maintenant des pompes à chaleur de nouvelle génération qui peuvent chauffer jusque 60 ou 70°, ce qui permet de garder toute votre installation de chauffage central sans devoir la modifier par des radiateurs surdimensionnés. Et même en cas de chauffage sol, une vanne motorisée à trois voies permettra de n'admettre dans le chauffage sol que de l'eau à basse température ≤45°.
  7. Les châssis doivent aussi être remplacés, parce qu'ils ont été déformés ou démolis par la poussée des eaux, des troncs d'arbre qui les ont emboutis, quand ce n'est pas une voiture ou une citerne !
    1. Évidemment, les châssis en PVC sont souvent le choix par défaut, car ils sont économiques et permettent de nombreux effets de couleur, de texture, etc. Mais, c'est du PVC, c.-à-d. un déchet de l'industrie pétrochimique que SOLVAY a réussi à valoriser. Inutile de préciser que leur recyclage n'est pas encore au point.
    2. Par contre, les châssis en aluminium, quoique plus chers, sont plus esthétiques avec des sections plus minces et toujours un large choix de finitions. Ils sont en outre plus solide et résisteront davantage à une poussée des eaux. Ils sont entièrement recyclables.
    3. Quant aux vitrages, choisissez de suite les doubles vitrages super-isolants K 1,1 au lieu des doubles vitrages normaux K 2,5. Avec des triples vitrages qui ont un K de 0,9 à peine, est ce rentable puisqu'ils sont très lourds, demandent des châssis renforcés sans apporter une isolation supplémentaire significative ? Pensez à la manœuvre des châssis coulissant avec 250 kg de triple vitrage !
    4. N'oubliez surtout pas d'ajouter des grilles de ventilation à tous les châssis des locaux secs. Ces grilles qui sont en général au dessus des doubles vitrages peuvent aussi être cachées derrière les linteaux dans les battées. Et il en existe qui ont une isolation acoustique en plus.
    5. Si de l'air extérieur peut entrer dans tous les locaux secs pour les assainir, il est important de le faire sortir par des conduits d'aération verticaux (effet cheminée), par des extracteurs sur minuterie ou avec un humidimètre ou mieux encore avec un fonctionnement permanent de 10 % seulement et une extraction maximale en cas d'humidité anormale, d'odeur ou même d'excès de CO, la gaz carbonique. Par exemple, l'extracteur WAVE de RENSON.
    6. Et on peut aussi placer toute une ventilation à double flux pour récupérer la chaleur, mais c'est quasi le coût d'une chaudière. Il existe toutefois des extracteurs qui sont autonomes, à double flux, fonctionnant seuls ou par paires, dans un séjour par exemple. Leur principe est leur placement dans un carottage de Ø approprié, généralement 10 à 12 cm. Ils fonctionnent alors en permanence 30" dans un sens (sortie d'air), puis 30" dans l'autre sens (entrée d'air) en traversant un radiateur en céramique qui confisque la chaleur cédée par l'air chaud sortant et la rend à l'air froid entrant.
  8. Les mobiliers en général :
    1. On pourra peut-être sauver les meubles en bois massif après un séchage de 6 à 12 mois, mais faites quand même une réserve à votre assureur à ce sujet pour conserver vos droits à une indemnisation.
    2. Concernant les mobiliers de cuisine et de salle de bains, les panneaux étant en aggloméré, ils ont gonflé de manière irréversible. Il faut donc les remplacer sans discussion.
    3. Par contre, du mobilier métallique ou en matière synthétique résistera à l'eau.
    4. On peut aussi imaginer une nouvelle cuisine ou une salle de bains en dur avec des cloisons de séparation tous les 65 cm en briques silico-calcaires qui sont bien calibrées avec une finition vous permettant de mettre des panneaux d'étagère en pierre, notre petit granit poli noir par exemple, ou des tiroirs démontables. Je déconseille les blocs de béton cellulaire de 7 cm d'épaisseur qui sont friables et dans lesquels les fixations des quincailleries notamment vont bouger. Pas de cloison en blocs de plâtre évidemment. Les portes seront aussi démontables pour pouvoir les mettre au sec à l'étage. Le plan de travail sera en pierre ou en matière synthétique, du CORIAN par exemple.

 


Mon conseil

Dans tous les cas, faites-vous conseiller par l'expert d'assurance ou le contre expert ou votre architecte ou un entrepreneur compétent. Dans ce dernier cas, vérifiez par internet sur le site de la banque carrefour des entreprises si cet entrepreneur est bien ce qu'il prétend être avec ses capacités, son numéro de TVA, son bilan des dernières années, etc. Vous éviterez des grosses déceptions.

Je vous invite aussi à prendre connaissance des articles du "guide des bâtiments durable" de la Région de Bruxelles

Cet article est fait sans engagement de ma part, chaque cas étant particulier.

Jean GLAUDE, ingénieur civil architecte

© 2022 - 5 janvier 2022


© 2021 - Jean GLAUDE, ingénieur civil architecte

Vous pouvez prendre connaissance de mes infolettres antérieures dans mes publications.


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